Notre dossier est composé de 5 caractéristiques majeures, ou « attributs » qui ne sont pas autonomes, et dont la combinaison est une caractéristique de ce territoire.
I. Ouvrages de stèles
Le fait de dresser une pierre (une stèle) s’observe dans de nombreuses régions du monde, à différentes époques. L’exception morbihannaise réside dans la présence d’environ 150 ouvrages de plus d’une dizaine de milliers de stèles dressées, essentiellement organisés de façon linéaire, déployés bien souvent hors du champ visuel, occupant presque en continu un territoire de 38 000 hectares.
La manutention de plusieurs milliers de tonnes de pierres pour la réalisation de tels ouvrages constitue un exploit technique, d’autant que certains monolithes présentent des masses et des hauteurs exceptionnelles, inégalées en Europe, pouvant atteindre 21 mètres pour un poids de 330 tonnes.
II. Tombeaux
Des architectures funéraires marquent ce territoire, souvent associées aux ouvrages de stèles. Il s’agit aussi bien de tombes individuelles (sous tertres ronds ou allongés) que de tombes à couloir généralement destinées à plusieurs personnes. Leur diversité architecturale et leur abondance est ici hors du commun. Elles peuvent être isolées ou regroupées au sein d’un même monument funéraire parfois intégré à l’organisation d’un alignement de monolithes ou construit de stèles en ré-emploi.
Parmi eux, trois monuments se distinguent très nettement, par le volume extraordinaire des matériaux constitutifs et leur transport nécessaire par voie terrestre et maritime ; mais surtout par les viatiques funéraires exceptionnels, uniques en Europe, où les haches extraites des Alpes italiennes se juxtaposent aux perles en provenance d’Andalousie. Il s’agit d’architectures aux structures complexes dont la fonction, loin d’être exclusivement pratique, participe de tout un dispositif symbolique.
III. Art pariétal
Avec 158 dalles gravées dévoilant la grande diversité des expressions graphiques, les affleurements, stèles et tombeaux du secteur géographique considéré regroupent la moitié du corpus français pour les Ve et IVe millénaires avant notre ère.
Le monument de Gavrinis cumule à lui seul près d’un kilomètre linéaire de gravures sur les parois de la tombe. Les signes inscrits appartiennent à un registre également bien particulier et sans équivalent, comprenant des représentations d’objets (haches en jade, bracelets en pierre, arcs et flèches, bâtons de jet ; bateaux), d’animaux sauvages (cétacés, serpents, oiseaux) et domestiques (caprins, bovins), enfin de rares anthropomorphes et des figurations géométriques.
Ces gravures, loin d’être de simples inscriptions à but ornemental, sont positionnées et assemblées selon des codes graphiques prédéfinis, suivant un programme iconographique retrouvé de dalle en dalle. La représentation de la hache nue ou emmanchée est une spécificité de la région, unique en Europe par le nombre d’exemplaires et les dimensions atteintes.
IV. Dépositions
Une accumulation inédite d’objets polis dans des matériaux rares, d’origine lointaine, singularise également ce secteur géographique. Ce sont des armes (lames de haches polies en roches alpines, qui représentent 10% des jades européens) et des parures (anneaux de bras, colliers en roches alpines et andalouses) qui alimentent ces dépôts. Les perles et pendeloques réalisées en callaïs (variscite et turquoise) représentent plus de la moitié de toutes les découvertes faites dans la France du Nord.
Enfouis ou immergés en des endroits spécifiques du paysage (affleurements rocheux, gués, marais), mis en scène autour des corps dans les tombeaux ou enfouis au contact de stèles, ces objets-signes, parfois volontairement détruits, s’éloignent de leur fonction première et s’apparentent à des offrandes, ajoutant à l’espace architecturé une force symbolique hors du commun.
V. Paysage de littoral
L’implantation des monuments et sites mégalithiques du Bien a un rapport étroit avec le littoral. La mer sur l’horizon accompagne une majorité des points d’implantation des mégalithes constituant le Bien. La présence d’une étendue d’eau fermée et naturellement protégée est favorable aux échanges entre toutes les rives de cette « Petite Mer » (Mor Bihan), dont la mosaïque des milieux et la richesse écologique exceptionnelle est favorable aux populations, dès le Mésolithique. L’eau doit aussi s’envisager comme essentielle dans la dynamique des transferts au Néolithique, dans le transport de monolithes extraordinaires et pour le développement d’une architecture navale. Celle-ci ouvre aux échanges plus lointains par voie fluviale ou maritime, sur les routes des jades et de la callaïs. Le milieu littoral a pu, en outre, induire l’observation du sel marin naturellement cristallisé, récolté puis produit, minéral blanc très convoité, médiateur par excellence autant qu’ingrédient indispensable du quotidien.
Ce littoral ne se limite pas uniquement aux rivages de la petite et grande mer, pour comprendre toutes les rives, les berges des rias et des rivières s’y jetant, se trouvant le plus souvent sous l’influence de la marée, jusqu’à plus de 20 kilomètres du rivage. Il comprend donc les écosystèmes de l’immédiat arrière-pays : bassins hydrographiques, marais littoraux, vasières, zones humides. Cet attribut possède ainsi une composante biogéographique et une composante géoculturelle, cadre de la transition entre la terre, la mer et les marécages, assurée à travers les pénétrantes naturelles que constituent les vallées ennoyées par la remontée du niveau de la mer (rias).
La situation littorale, dans un paysage peu boisé au Néolithique, conférait aux monuments ostentatoires présents le caractère d’un panorama symbolique visible de loin, témoignant du pouvoir et de l’ingéniosité des populations qui l’avaient produit.